mardi 27 mars 2012

Guilo Guilo, Spectacle pour Papilles

Monsieur Eiichi Edakuni, chef japonais reconnu, a sans doute voulu fuir son succès kyotoïte. 
Effectivement, il paraît que certains clients réserveraient 2 ans et demi en avance afin d'avoir le privilège de dîner dans son (minuscule) restaurant (de 13 couverts).
C'est raté pour le calme parisien!


 Là encore, comme dans de nombreux établissements à succès, vous ne pourrez pas réserver la veille pour le lendemain (sauf parfois en semaine, premier service), ni même une semaine en avance. D'ailleurs, il faut aussi vous préciser que réserver 2 mois à l'avance n'est pas une stratégie payante vu que Guilo Guilo n'ouvrent ses réservations que le mois précédent la date que vous convoitez. - Bref, vous voulez venir dîner le 25 Mai, vous devrez appeler le 25 Avril, le plus tôt possible car les tables filent à la vitesse de l'éclair.- 


Pourquoi braver ces difficultés?


Pour beaucoup de raisons:



  1. Premièrement, le restaurant n'est ouvert que le soir et propose deux services: 19h et 21h30. Pas question d'arriver avec 30 minutes de retard ni 30 minutes d'avance. L'heure, c'est l'heure!
  2. Formule unique: 6 à 8 plats pour 45 euros. Pas d'hésitations, de dilemme cornélien, on se laisse guider par le chef. Hé! C'est un pro, qui saurait mieux que lui assembler ses créations pour vous ravir? Une aventure à chaque repas, la certitude de produits frais, de saison et la découverte de nouveaux produits... J'adore ce genre de formule. L'attente entre chaque plat est comparable à l'excitation de recevoir un cadeau, sans compter que la vaisselle est magnifique.
  3. Une vraie cuisine japonaise authentique et créative. J'en garde le souvenir de mon premier sushi. Si, si, j'en avais déjà mangé avant, des tranches de poisson sur boulettes de riz vinaigré, mais beaucoup ne mérite pas l'appellation (qui devrait être contrôlée) de sushi. Chez Guilo Guilo,  j'ai découvert LE sushi, le vrai, aérien, voluptueux et équilibré. Mais la cuisine d'Eiichi Edakuni ne s'arrête pas aux déclinaisons habituelles de poissons crus. Que l'on brûle celui ou celle qui ose encore penser que la gastronomie japonaise ne se réduit qu'à cela.
  4. La conception de l'aménagement du restaurant a été réalisée par Christophe Pillet, 25 convives s'attablent autour d'un grand comptoir au centre duquel s'affairent 5 à 6 personnes. Vous n'avez d'yeux que pour eux, les mises en place sont préparées l'après midi et tout est assemblé, dressé devant vous. On vous tend directement les plats, en vous expliquant dans un français maladroit (Franponais ou japrançais), que l'on ne comprend pas forcément, soyons honnêtes, ce qui vous est servi. Un véritable dîner spectacle pas plouc, qui vous permet de constater que les normes d'hygiène sont parfaites et les cuissons minute (même s'il suffit de goûter pour s'apercevoir que tout est OK). En cas de tablée plus importante ou d'envie/besoin de discussion plus privée, une petite salle vous accueillera (avec, il me semble, une capacité de 6 personnes), mais vous raterez le spectacle visuel, vous devrez vous contenter du gustatif.  Dans ce minuscule espace de 3 m², vous assisterez à un véritable ballet, on se frôle, on s'active, sans jamais se toucher. L'un sert les plats puis cuisine et inversement, l'autre sert les boissons, une femme s'active à la plonge, l'un essaie de comprendre ce que lui dit son client, l'autre dresse de magnifiques assiettes... et tout cela avec le sourire. Surprenant!
  5. Il y a le vaisseau d'Albator, collector vintage, dans les toilettes.
  6. Vous trouverez une carte des vins tout à fait correcte, peu de choix, mais une bonne sélection. Par contre, votre coeur penchera sûrement vers la carte des sakés et soju (shochu). Tentez le saké pétillant en apéritif et demandez d'y ajouter un zeste d'agrume (yuzu). Si vous n'avez pas envie d'alcool, essayez le Yuga, sorte de limonade au citron japonais, très rafraichissant et parfait pour accompagner votre repas (à mon avis).
  7. Manger japonais à Paris peut s'avérer cher si vous êtes en quête de qualité. 45 euros pour un menu dégustation, où figure beaucoup de produit importées, authenticité oblige, c'est vraiment honnête. On y mange vraiment bien. Excellent rapport qualité-prix!

Je pense que vous êtes à présent mûrs pour un avant-goût de ce qui vous sera proposé si vous arrivez à réserver... 

Suivez-moi, je vous prie!












Enfin, les plats:

Riz garni d'anguille et algues grillées


 La cuisson du riz est évidemment parfaite, le morceau d'anguille est laqué, précuit puis réchauffé au chalumeau, ce qui permet en plus de faire griller les algues. L'alliance des textures est parfaites, le moelleux du poisson gras répond à la fermeté onctueuse du riz et les algues ajoutent une belle touche iodée et craquante.

Tofu maison, Crevette sauce Mangue, beignet d'oignons nouveaux, algues en sauce douce, pomme de terre et radis mariné, liche et chips d'algue sechée


Chaque élément de cette assiette est d'une rare finesse. La diversité des goûts et des textures (c'est à la fois croustillant, croquant, moelleux, fondant) vous donnent envie de déguster chaque amuse-bouche en 5 ou 6 fois, en picorant à droite et à gauche. On n'a pas envie que cela s'arrête, on voudrait ne jamais en venir à bout. C'est très troublant.

Sashimis de poissons: Liche, bar, oursin.
Pousse de radis rouge, feuille de shiso, fleur de bourrache


Poissons extra frais, oursin à tomber. Le goût végétal et iodé du shiso accompagne parfaitement le poisson. Le piquant des pousses de radis rouge, faisant de chaque bouchée un instant unique, où l'on reste suspendu entre ciel et mer.

Nouilles Udon, tempura de champignons et oignons verts et jaune d'oeuf cru

Etoile de "gluten japonais"


Plat un peu décevant: suivant à la lettre les consignes du serveur, nous mélangeons le tout et assaisonnons d'un peu de sauce. C'est très bon, mais les portions sont petites donc un jaune d'oeuf pour l'ensemble du plat semble être beaucoup. L'humidité du mélange ramollit la pâte à tempura et le goût de l'oeuf cru prend le dessus sur le reste.

Aubergine et foie gras grillés, sauce miso, daikon rapé et tombée de légumes  (champignon Buna Shimeji, poivrons rouges, épinards frais)



L'aubergine est tendre, frite dans l'huile mais légère, la saveur du foie gras est mise en valeur sans pour autant prendre le dessus sur le reste ni perdre son identité; le daikon est râpé ultra finement et sans doute pressé pour en retirer l'eau, il est servi à température ambiante afin de ne pas choquer les papilles ni diluer les arômes du plat. La poêlée de légumes apporte beaucoup de fraîcheur et équilibrent l'onctuosité du foie, de l'aubergine et du miso. Une belle réussite.

Petits poissons frits à la farine de fleurs de cerisier


Encore une fois, une friture légère, aérienne, vaporeuse et croustillante. On pourrait en grignoter des kilos. Avec un filet de citron, ces alevins (je pense que ce sont des bébés poisson, par leur taille, leur morphologie et leur goût très délicat) pourraient être les champions de l'apéro!

Pyramide de maki au tartare de thon rouge, ciboule, raisin mariné 


Trois makis surplombés de deux belles cuillèrées de tartare et d'une pluie de ciboule. Le thon est râpé très finement, comme le daikon servi avec le foie gras; au premier abord,on pense que cela manque de mâche, mais la ciboule ajoute ce qu'il faut de croquant et de vert. Le tout est accompagné d'un mélange de sauce soja et de fumet de bonite séchée.

Sushis de foie gras, sauce miso


Plat optionnel: 6 euros (ou 8 euros) la paire. Sur la toile, il semblerait que l'on ne peut parler du Guilo Guilo sans évoquer son sushi au foie gras. Une paire pour deux, donc!
Bof. C'est bon, le riz est parfait, le foie gras (cuit au sel, il me semble) délicieux, la sauce miso sucrée et agréable en bouche. Mais l'ensemble ne me convainc pas. Les textures sont trop similaires, la sauce a tendance à brouiller le goût du riz... Ah, pour le coup, là, ça manque vraiment de mâche. Cela m’énerve un peu cette consensualité; avec ce plat, acclamé par la critique, qui retrouve sans doute des repères franco-français dans cette bouchée, mon voyage prend des teintes un peu trop européanisées à mon humble goût, même si on parle parfois de la cuisine d'Edakuni comme d'une cuisine fusion, entre France et Japon.


Tiramisu au thé vert Matcha, bonbon de chocolat et salsifis


Dessert idéal pour une fan de matcha telle que moi. L'amertume du thé vert confère à ce dessert un bel équilibre. C'est léger, peu sucré, mais parfaitement consistant. On ne pouvait rêver mieux pour finir ce repas en beauté. L'alliance insolite du chocolat et du salsifis apporte beaucoup de douceur et de rondeur à ce bonbon.

Les quelques frustrations parfois répétées quant à la disponibilité d'une table s'effacent immédiatement dès que vous entrez dans l'univers de Monsieur Eiichi Edakuni. Le Japon a portée de main, un voyage aller-retour pour 45 euros (hors boisson). Dîner au restaurant Guilo Guilo, ça se mérite!



8 rue Garreau
Paris 18
+33 1 42 54 23 92 

Formule unique: 45 euros (6 à 8 services)
2 services: 19h et 21h30


















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